Yama et Tantra (alt. 1001m)

(Billet professionnel)

Avertissement : en cas de changement brusque d'altitude, veuillez porter un masque à oxygène.


On entend souvent dire que cette première branche (yama = éthique/rapport au monde extérieur) du Yoga Ashtanga devrait précéder la pratique des postures.

Le Yoga Ashtanga (axé sur la philosophie), dit à "8 branches" (ashta = 8, anga = membre) ne doit pas être confondu avec le Yoga Ashtanga Vinyasa (axé sur les asanas). Bien que les distinctions soient plus subtiles que cela, il serait inutile de rentrer dans le détail ici.

Or, pour bon nombre de personnes (moi compris) la dimension philosophique du yoga n'entre en jeu que tardivement, si elle entre jamais (et jusqu'à quel point). Bien entendu "l'amour de la sagesse" (philein-sophia) de chacun peut se suffire à lui-même, auquel cas celui proposé par le Yoga ne sera là qu'à titre folklorique et/ou complémentaire, ce qui revêt une grande importance tout de même, nous le verrons.

Les yamas sont au nombre de 5 : non-violence, vérité, non-vol, continence, non-possessivité.

Refléter dessus régulièrement permet de les laisser pénétrer peu à peu son être et, d'inconsciemment (et consciemment), agir en conséquence. 

Ce qui est immense au vu des valeurs véhiculées par une grande partie des médias. Il s'agit ni plus ni moins que d'une bataille intérieure : dans quelle mesure suis-je influencé par mon environnement et cela me rend-il heureux ? Si non, que puis-je faire pour y remédier ?

Ainsi, mon bien-aimé Simon Borg-Olivier propose cette formule magique : "Live in a way that is gentle, balanced, giving, of nourishment and freedom" interprétation moderne et positive des yamas (ainsi, "gentle" oppose violence, "balanced" chevauche la vérité, "giving" contre le vol, "nourishment" complète la continence et "freedom" vient illustrer la non-possessivité).

Le Yoga étant dépourvu de dogmes, il est tout à fait complémentaire d'autres philosophies ou religions mais peut aussi se suffire à lui même. Attention tout de même car il est d'autant plus ardu et complexe - et chronophage - de vouloir embrasser de multiples systèmes simultanément de manière réellement constructive...

Mais pour l'humain occidental lambda - (lambda ? c'est une danse, c'est ça ?) dépourvu de système de valeurs équilibré et/ou de croyances saines et solides et/ou de savoir spirituel - le Yoga dans son ensemble est salvateur. 

C'est le cas de le dire. 

Comme nous l'avons vu, sa visée profonde n'est ni plus ni moins que la libération, le fameux Nirvana. Libération de quoi, de qui ? C'est justement là que la pratique (postures, respirations, méditations...) intervient, nous permettant peu à peu, humblement et fièrement à la fois de, comme on dit dans le bouddhisme, "voir la réalité telle qu'elle est" (on ne voit que ce que nos perceptions, c'est à dire la densité de nos filtres, nous permettent de voir après tout). Donc l'idée derrière tout cela est d'avoir de moins en moins de filtres devant les yeux, devant la conscience.

Cela étant dit, le yoga s'adresse à des personnes prêtes à faire un minimum d'efforts, ne souhaitant pas (plus ? ) se contenter de survivre, c'est à dire, entres autres, être victime de son dialogue intérieur négatif, manger et boire n'importe quoi n'importe quand sans se soucier des conséquences, acheter ce que la télévision nous dit d'acheter, ne faire aucun cas de l'impact émotionnel de nos paroles et de nos actes sur les autres, ne se soucier que de soi etc. etc.

Dans ses formes les plus abouties, le yoga s'adresse aux ascètes. Heureusement, tous les degrés d'appréciation de la matière (de la débauche absolue au renoncement total) sont les bienvenus. 

Et c'est là que le Tantra (= toile ou texte) intervient. 

Terme ô combien galvaudé qui n'a en fait que peu à voir avec le sexe. Mais plutôt avec la capacité à donner un sens différent aux choses de tous les jours (ou un sens tout court), y compris celles qui peuvent être néfastes. Ou comment réenchanter son quotidien en redonnant une valeur spirituelle à tout acte.

Raisonner ce qui a la réputation de ne pouvoir l'être. Comme un jeu. Puiser inspiration, énergie et joie dans les choses les plus simples, les plus triviales et celles que certaines morales condamnent. 

On est tous le pêcheur de quelqu'un. 

Au temps jadis (et partiellement encore aujourd'hui), en Inde, étaient considérés délétères les 5 "M" (ou makaras, poisons) : mamsa (la viande), madya (le vin et les intoxicants), matsya (le poisson), mudra (les grains cuits), maithuna (la sexualité).

Ainsi distingue-t-on le tantra de la main gauche (faisant usage des 5 M dans un cadre rituel) et le tantra de la main droite (les embrassant allégoriquement). 

Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ? C'est le postulat du tantra de la main gauche : à condition de travailler en pleine conscience, avec humilité, intentions claires et émotions élevées.

La main droite est plus sécurisante, où chaque M est alors transposé en pratiques diverses (mudra, pranayama, travail énergétique...)


L'humain moyen (méritant une note de 3/6 ou de 10/20 donc, c'est bien cela ?) occidental étant généralement amené à faire usage des 5, souvent dans une même vie, si ce n'est pas chaque semaine de sa vie, peut raisonnablement être considéré comme un pratiquant du "tantra de la main gauche maladroite" qui s'ignore.

Là devient essentielle une remise en perspective du mode de vie. Non pas nécessairement une remise en question, à moins que cela ne vienne spontanément et/ou naturellement, mais plutôt oser voir sa vie et les choses qui nous semblent être les plus banales différemment. Peut être ne sont-elles pas si banales que cela ? Peut être est-il temps de les honorer à leur juste valeur ?

(C'est le moment de mettre le masque à oxygène)

Et où ce questionnement va-t-il bien pouvoir nous mener ?! À plus de joie, de bonheur, de paix. Mais ce cheminement sera aventureux. 

Loin de moi l'idée de vouloir nous voir tous devenir des saints (quoi que...un écrit bouddhiste propose que "Tout sera terminé lorsque le dernier brin d'herbe aura fini d'évoluer") mais il est vrai que l'hypothèse des réincarnations donnerait alors la perspective nécessaire à une telle entreprise !

Personnellement ce ne sera pas pour cette vie ci, j'aime bien trop la triviale rigolade et la "matière" pour cela. Ce qui n'est (comme nous venons de le voir) en rien un frein au travail spirituel, bien au contraire. Mais je m'éloigne du caractère "objectif" de cet article.

Gardons les incarnations pour une prochaine fois, en attendant, voici les mots d'Henri Ford qui avait embrassé cette hypothèse : 

“(...) When I discovered reincarnation it was as if I had found a universal plan. I realized that there was a chance to work out my ideas. Time was no longer limited. I was no longer a slave to the hands of the clock. There was time enough to plan and to create (...)"

Il attribua par ailleurs son immense succès à l'adoption de cette idée.


Yama : base essentielle pour toute personne sincèrement intéressée par le Yoga 
Tantra : essence du Hatha yoga (c'est à dire 90 pour cent du yoga enseigné en occident)


Ne reste plus qu'à faire le lien entre ces deux facettes du formidable prisme qu'est le Yoga.

  1. Ahimsa (non-violence) peut facilement être rapprochée de Mamsa (viande) : force est de constater qu'il est difficile d'obtenir cette dernière sans un minimum de brutalité.
  2. Satya (véracité) devient fébrile lorsque l'humain rencontre Madya (le vin ou d'autres substances).
  3. Asteya (non-vol) l'image des filets de pêche raflant quantités monstrueuses de poisson (Matsya) semble appropriée ici.
  4. Brahmacharya (célibat et/ou continence) est à rapprocher de l'acte sexuel (Maithuna).
  5. Aparigraha (non-possessivité) pourrait être illustrée par l'image de l'écureuil ou de l'humain mettant ses noisettes ou ses grains (mudra) de côté pour l'hiver et ayant du mal à les partager avec autrui (voir le rapport à la survie qui influence encore grandement aujourd'hui nos actes).

Ces quelques images afin de montrer le lien intrinsèque entre les 5 premiers "commandements" du Yoga et les 5 thèmes dont le Tantra se fait l'apôtre ou du moins le démystificateur.

De tels parallèles (analogies), parfois faciles, parfois complexes a établir, sont en vérité une des clés menant à une compréhension plus profonde de systèmes tels que le Yoga ou le Tantra.

Ainsi, nous étudierons prochainement l'hypothèse de la nature holographique de l'univers (dans laquelle chaque partie qui compose le Tout est une représentation fidèle du Tout).



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